Pour être respecté·es, entendu·es, reconnu·es.
Que n’entend-on ces derniers temps sur le mouvement des étudiant⋅e⋅s !
Fusent de toute part des conseils sur ce qu’ils et elles devraient faire :
— « Ils ne devraient pas agir de la sorte, le blocage ce n’est pas efficace. »
— « Ils se trompent de cible, ce n’est pas au niveau local que cela se joue mais au niveau national. »
— « Ils prônent la convergence des luttes mais ils ne nous écoutent pas, nous, personnels, et syndicats officiels de cette fac ! »
— « Les votes à main levée lors des AG, c’est n’importe quoi. Un vrai vote, ce n’est qu’à bulletins secrets. »
— « On devrait les déloger. On devrait faire comme à la fac de droit »
— « Ce sont une poignée d’ultra-gauchistes qui ne représentent rien »
— « Ils m’empêchent de travailler, de faire ma recherche, je vais porter plainte ! »
— …
Mais sommes-nous, nous les « adultes » comme on dit, vraiment en position de leur faire la leçon ? Nous qui, depuis plus de trente ans, perdons peu à peu toutes les luttes sociales, nous qui, chaque jour, chaque mois, chaque année, voyons disparaître un à un les acquis sociaux, conquêtes sociales et bénéfices des luttes passées.
Oui, sommes-nous vraiment crédibles quand nous leur disons comment agir ?
Avons-nous bien pris conscience de ce que implique la loi ORE ? Ce que ça signifie pour nos boulots à nous ? On se plaint aujourd’hui du manque de moyens et de personnels, imaginez ce que ce sera demain quand il y aura quelques milliers d’étudiant⋅e⋅s en moins parce que la sélection aura vidé nos amphis au profit de l’enseignement supérieur privé.
Même en restant la tête baissée uniquement sur nos boulots, cette loi est mauvaise. Mais en relevant la tête, on perçoit qu’elle l’est pour toutes et tous, étudiante et étudiant, enseignante et enseignant, chercheuse et chercheur, personnel administratif, technique, de bibliothèque, etc.
Le président a déclaré au Midi Libre (mardi 20 mars 2018, p. 4) :
Les bloqueurs espèrent un mouvement d’ampleur nationale mais ce n’est pas le cas, Paul-Valéry reste dans un entre-soi contestataire qui n’est pas suivi par les autres universités.
Admettons que ce soit vrai. Donc, si on comprend bien, Paul-Va ne doit se mobiliser que si les autres facs se mobilisent avec succès. Alors, à ce moment-là, et à ce moment-là seulement, Paul-Va peut, éventuellement, se mobiliser. Oui, oui. Non, vraiment, nous ne sommes pas crédibles.
Il faudrait également un dépassement national du postulat shadockien : si j’attends que les autres se mobilisent avant que je me mobilise mais qu’en même temps, eux font la même chose… comment veux-tu ?
Arrêtons de nous opposer les uns aux autres et de nous faire manipuler en ce sens. Non l’occupation de Paul-Va n’est pas la fin du monde. Non ! Ce qui s’est passé à la fac de droit est bien plus grave que l’occupation de notre fac et justifie pleinement la réaction étudiante et syndicale. Rien dire, Rien faire, Ne pas réagir, c’est laisser revenir les pires actions de l’histoire humaine.
Justement, à propos de ce qui s’est passé à la fac de droit. Nous travaillons dans les universités. Nous croyons sincèrement que nous, qui sommes des adultes au contact de tant de jeunes gens, nous leur devons une réaction claire et forte car ils sont en pleine recherche de traduction sociale de leurs idéaux personnels. Les étudiant⋅e⋅s sont blessé⋅e⋅s et désemparé⋅e⋅s après ce qui s’est passé à la fac de droit de Montpellier. On le serait à moins. Ils doutent de l’université et de la société. Ils sont blessés de l’absence de réaction franche du corps enseignant et des personnels. Dans leur esprit parfois cela se mêle à d’autres situations plus tragiques et plus choquantes encore. Est-ce là, la société que nous voulons leur transmettre ? Est-ce là notre enseignement ? On ressent du dégoût, on perçoit leur dégoût.
Ensemble affirmons que ce n’est pas ça l’université, que ce n’est pas ça la république. Et disons-le aux étudiant⋅e⋅s. Ensemble construisons inlassablement un pays plus juste et plus fraternel. Luttons toujours contre l’antisémitisme, le racisme, la haine de l’autre. Montrons-leur par notre comportement de tous les instants que ceux qui frappent avec des bâtons, que ceux qui tuent dans un supermarché ou qui tuent de vieilles dames ne sont rien face à la grande et belle fraternité humaine.
Aidons-les à vivre le printemps de leur vie, qui pourrait-devrait également être le nôtre.
Personnels « adultes » des universités de Montpellier.
Page publiée le vendredi 6 avril 2018